17 mars 2011

La réalité dépasse l'affliction



Une fois qu'on a compati sur ces pauvres gens qui ont tout perdu, y compris leurs proches ou leurs vies mêmes, dans cette vague géante imprévisible ... alors qu'on est bien au pays des Tsunamis, connus et redoutés depuis que l'Empire du
Soleil Levant existe.

Une fois qu'on aura tremblé avec eux devant cette terrible, silencieuse et angoissante menace nucléaire radioactive... alors que nous sommes bien dans une des nations les plus sophistiquées en matière de haute technologie, et ce dans tous les domaines.


Alors, une fois l'irréparable écarté - ce que nous espérons et attendons tous avec angoisse - alors, il faudra bien, et sans trop attendre, lancer le débat et se poser les bonnes questions.

Je sais bien : il y a, en France - à EDF et Areva, à l'IRSN ( Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) et ailleurs dans le monde - des experts patentés, des ingénieurs de haut vol, des techniciens au top qui, nous assurent et nous rassurent-ils, maîtrisent TOUT et ont vraiment TOUT prévu en matière de sécurité et de risques. Idem pour les 58 centrales qui parsèment l'ensemble de notre territoire.

Mais la question est bien là, lancinante : faut-il avoir totalement confiance et faut-il les croire ?

Faut-il continuer, comme nous l'avons fait jusqu'ici, dans le tout nucléaire - enfin presque : 85% de nos besoins énergétiques ?

N'y avait-il pas et n'y a-t-il pas, à moyen et long terme, d'autres alternatives ?

Quelle que soit la réponse, le débat mérite d'être lancé. Ne serait-ce que pour que chaque citoyen s'en empare et ait enfin TOUS les éléments pour, au besoin, décider. Nos voisins italiens vont se décider sur le sujet par référendum cet été même. Les Allemands on décidé, pour l'instant, de geler leur programme nucléaire. D'autres vont faire de même.

Nous, les Gaulois, sommes plus forts que tous les autres. Nous, on maîtrise tout, de A à Z.
On continue, comme s'il ne s'était rien passé. Comme s'il n'y avait pas eu plusieurs avertissements, déjà, par le passé. Pour mémoire : Three Miles Island, aux USA, en 1979, où on a frôlé la catastrophe. Dans ce cas-là, fort heureusement, l'enceinte de confinement, malgré le choc thermique dû à un arrosage d'urgence et de la dernière chance, a tenu bon. Pour le coup, ça a bien refroidi les Américains, si on peut dire, sur l'opportunité du nucléaire...

Puis Tchernobyl, en 1986, avec une ville entière, Pripiat, devenue fantôme depuis, avec des milliers de morts, d'irradiés, des centaines de milliers de cancers. Souvenez-vous des images pathétiques de tous ces enfants ukrainiens que nous avons alors accueillis pour les soigner, dans nos hôpitaux. Il aura fallu le sacrifice, voulu ou non, de quelques 800 000 liquidateurs - dont un certain nombre n'ont pas survécu, " brûlés" de l'intérieur par le "feu" nucléaire - pour éviter un cataclysme qui aurait sans nul doute rayé de la carte l'Ukraine, la Biélorussie et, qui sait, une partie de l'Europe. Et ce pour des milliers d'années ! Car les radiations, une fois lâchées dans la nature, tuent, parfois des dizaines d'années après : sûrement, sournoisement, silencieusement. L'horreur absolue.

Le nucléaire, s'il est maîtrisé - ce qui semble être le cas jusqu'ici - est bien évidemment une énergie indépendante, puissante, efficace, sans effet de serre et non polluante. On sait tout ça. On n'arrête pas de nous le rabâcher. A gauche comme à droite, d'ailleurs. Unanimité sur le sujet. Troublant, non, cet unanimisme, non ?

Mais il y a un si. Un doute. Une sourde angoisse, bien légitime au vu des événements japonais, derrière le discours qui se veut rassurant de toutes nos élites techniques et politiques.

Et si un accident majeur survenait en France ? Tout expert sensé et tout citoyen qui a quelques neurones et qui s'en sert sait très bien que la vie est assez inattendue pour nous réserver, parfois, des surprises dont elle a le secret. La nature est, par nature, imprévisible et incontrôlable lorsqu'elle se déchaîne. Les événements météo exceptionnels, et pas toujours prévus, de ces dernières années, nous l'ont cruellement montré. Pour ne parler que de la France, qui est pourtant un pays à climat modéré ...

Mais le dernier point peut-être le plus inquiétant n'est pas tant le risque d'accident que les conséquences d'un tel accident s'il se produisait.

Ce n'est pas clair, alors je m'explique. Après une catastrophe, quelle que soit son ampleur et quels que soient les dégâts causés - les exemples n'ont pas manqué dans la dernière décennie - il y a ensuite la longue et lente réparation, la reconstruction. L'homme est ainsi : après chaque catastrophe, une fois ses morts enterrés, il reprend là où tout s'était soudainement arrêté. Et la vie quotidienne, petit à petit, repart comme avant. Il est ainsi, l'homme. Un animal qui se redresse, toujours, et continue à marcher, bien vertical.

Sauf que. Sauf que, en cas de pépin majeur dans une centrale nucléaire, une fois le processus de fusion enclenché, il n'y a PLUS RIEN A FAIRE. Tout est fondu et irrémédiablement irradié. Il n'y a plus qu'à faire évacuer toute la zone contaminée, pour des centaines ou des milliers d'années ( ! ), à construire un énorme sarcophage de béton ( comme à Tchernobyl ). Et basta. FI-NI. TER-MI-NE. Pour l'éternité... ou presque. Un monument érigé à la gloire de la toute puissante et très orgueilleuse technologie. Cadeau aux générations futures. Drôle de cadeau. Non ?

C'est bien pour cela que les choix énergétiques sont aussi des choix politiques, en ce sens qu'ils engagent bien, par leur inéluctabilité et leurs conséquences, le présent et le futur d'une société et même carrément d'une civilisation. En l'occurrence, la nôtre.

Et qu'il faut qu'il y ait donc information, débats, forums, échanges d'idées, etc. Et, pourquoi pas, consultation des citoyens sous forme de référendum ou autre. Ce serait le moins que de consulter les citoyens sur des choix qui, après tout, engagent leur existence même, celle de leur progéniture et même de leurs descendants pour pas mal de générations à venir. NON ?

Faire l'impasse ou l'économie de ce débat-là, après ce qu'on vient de voir et de vivre, en direct et par procuration, serait inconvenant voire criminel.

Photo 1 : la centrale de Fukushima, qui date de 1970, devait être fermée le mois dernier. L'exploitant, Tepco, avait obtenu un " sursis " de 10 ans de la part des autorités.

Photo 2 : Il y a tant de merveilles en ce monde : les Annapurnas, au Népal, par exemple.


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