27 octobre 2006

Drôle d’anniversaire


Avec ce temps estival d’automne, je me suis dit : tiens je vais aller faire quelques photos dans le quartier. Je me suis donc baladé, presque comme un touriste, au pied des trois grands immeubles qui jouxtent l’autoroute et qui vont être démolis en 2008.
Je vais de temps en temps dans ce qu’il reste de ce quartier de Montchovet faire des clichés qui serviront de mémoire et, qui sait, donneront peut-être matière un jour à un livre ?
J’ai rencontré là deux de mes élèves. Qui tournaient en rond, désoeuvrés, dans le minuscule square qui leur sert de terrain de jeu et d’évasion.
Ils étaient sincèrement heureux de me voir là – « c’est le maître ». On a fait quelques photos, bien sûr, et je leur ai expliqué pourquoi je faisais ça. Ils ont tout de suite compris l’enjeu de la démarche. Quelques grands se sont joints à la conversation. Re-séance photos, pour les plus grands, bien sûr.
Il y avait le soleil, merveilleusement tiède, et nous, au pied de l’immense barre bleue, avec quelques paraboles ici et là. Il doit rester tout au plus une vingtaine de familles en attente imminente d’un logement. Avant que tout tombe sous les assauts des grues et des bulls.
Il y avait aussi, ce matin-même, à la radio, des reporters qui parlaient « d’anniversaire » : il y a tout juste un an commençait l’embrasement des quartiers et des banlieues.
Ici, ça n’avait pas tellement bougé, ou brûlé. Quelques escarmouches ici ou là. Ça aurait pu, pour un quartier en fin de vie et dans lequel les quelques habitants qui restent se débattent dans de grosses galères.
J’ai donc parlé avec eux, ces jeunes amers et désabusés, qui ne croient plus à grand chose.
Ils allaient donc être obligés de partir d’ici : un crève-cœur pour eux. Pourtant, le tableau est loin d’être idyllique, avec ces grandes murailles laides, ces allées sombres et inhospitalières au possible. Et le ronflement incessant de l’autoroute à deux pas.
Mais, m’ont-ils dit, « c’est toute notre vie qui est ici. » Leur territoire, bien à eux. Et toute leur enfance, et les copains. Et toutes les rigolades et les coups tordus. Tout dans le même sac. La vie, quoi. Leur vie d’avant, qui allait être démolie. Eux aussi, du coup, se sentent fragiles, friables.

Dans leur tête, pour certains, un vaste chantier de démolition.

Qui va pouvoir les aider à reconstruire tout ça ?

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